Le Kinky Club raconté par Daniel… Une ôde à Calamity Steph et à DirtyVonP

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KINKY CLUB

“C’est comme si toute sa vie on se surprenait soi-même en se
retrouvant dans tel ou tel lieu, ne sachant pas pourquoi on y est, ni
même comment on y est venu. Je suis ici. C’est moi qui y suis, et non
une autre.”
Joyce Carol Oates
Le poids, la richesse, la Valeur d’un lieu tiennent moins au lieu
qu’à ceux qui l’animent. Mais d’abord comment y est-on arrivé ?
En s’extrayant du bitume de la vie commune. Une fois franchie la
petite porte qui ne paie pas de mine, on laisse un monde derrière
soi, on en épouse un autre, on s’en éprend. On le sait en
descendant les quelques marches qui nous mènent à la cave, d’où
parviennent des gémissements, des cris, des rires ou rien – mais
un rien plein de choses à dire, à ordonner, à obéir. Puis on voit,
dans une lumière à peine tamisée, les corps. Vêtus ou nus, mi-nus,
qui ont perdu leur accoutrement du dehors. C’est dans la rue
qu’on est attifé. Pas au KINKY. Oui, on a laissé le “vieil homme”
dehors. Ici où tout tourne autour du châtiment, on a laissé le
châtiment derrière la porte. Ici, si l’on doit souffrir, c’est pour
quelque chose. Et si c’est punir qui vous intéresse, punissez, on
vous en sera gré !
La Valeur d’un lieu tient à la Valeur de ceux qui l’animent – tout le
monde sait ça. Ici dans cette île c’est Stéphanie et Alex s’y collent.
Je commence par Alex, car pour Stéphanie ce sera plus long.

ALEX

Géant débonnaire sorti d’un conte de Grimm. Le Poids de la Grâce
c’est lui et ses mouvements gracieux. Pas effeminés : gracieux. Sa
longue barbe pour faire comme au cinéma, du temps où le cinéma
était muet, en noir et blanc, et pouvait se dérouler dans le Cabinet
du Docteur Caligari. Clairs obscurs très marqués, chevalets de
torture, anneaux, croix de saint André… j’en passe, je ne voudrais

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pas lasser. Tout le monde, encore une fois, connaît ça. Sauf que
tout dépend. Et dépend de qui vous pend. Alex est orfèvre, et
orfèvre en la matière : rope, knot, kinbaku – art japonais servi ici
par le plus séduisant des hommes. Et bien fort, ma foi ! Tout
enveloppé d’une douceur musclée. L’envie vous vient d’être saisi
dans ses bras, sa poitrine comme havre, ou quelque chose comme
ça. Alex, de derrière ses lunettes vous jauge, et tire pour se
reposer de l’effort sur sa cigarette électronique. Car il faut bien
qu’il se repose ! Alex est un travailleur. A la tâche ! Nouant,
dénouant, surnouant… Saisis, entravés par lui, vos membres –
bras, jambes… vont à sa discrétion se soulever – étrange liberté
entravée. Douloureuse aussi ! Vous faite votre poids et la
gravitation tire, toujours vers le bas. Quel bas ?… Depuis cet entre-
deux où vous lévitez vous ne savez plus bien. Vous vous balancez
entre sol et plafond. Un côté cosmonaute, plongeur en eau
profonde, mais sans scaphandre et nu. Vous voyez ces regards qui
autour vous scrutent, se demandant jusqu’où cette forme
d’apesanteur vous conduit – au dedans de vous bien-sûr ! Mais
comment, par quelles voies ?… La voix d’Alex, cependant qu’il vous
entortille et vous fait passer de la position debout aux plus
inconfortables des positions, est toujours douce et posée, comme
les baisers qu’il dépose sur les épaules des Belles filles, leurs cous,
leurs croupes divines, pour leur demander si ça va, s’il peut
continuer… Bien-sûr qu’il peut continuer ! Elles sont folles de lui !
Moi je suis fou de…

STEPHANIE

Stéphanie beauté compacte. Sans affectation. Sans gaines ni hauts
talons. Vous la croiseriez dans le métro ce serait elle, la même, une
femme difficile à regarder tant sa beauté vous ensorcelle. Sans
rien faire – rien qu’à être belle. Comment c’est possible ça ?… On
n’est pas au KINKY pour se poser ce genre de question. On se
repose sur ce qu’on voit et c’est Stéphanie qu’on voit. Alors
silence. Je me demande même comment je peux prétendre écrire
sur elle ! Il faut vraiment que l’écriture soit en soi une chose
sacrée, pour oser s’en servir à servir Stéphanie. De l’audace il en

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faut déjà pour lui adresser la parole – alors qu’elle est la plus
amène des hôtesse ! Rien pour vous effrayer, vous décourager,
une bonne humeur au contraire… mais attendez de l’avoir vu
s’occuper de tel où telle – elle tape dur, fore, fouit… Mais comme
ça, comme n’y pensant pas, avec l’ardeur d’une poulaine : “Tiens,
on va essayer ça, pour voir !”… Elle court dans son jardin, sa
prairie, on n’est rien à son contact. L’espace semble plus grand
autour d’elle, infini – car l’espace elle le prend, son corps l’aspire,
elle devient l’espace. On est bien content d’avoir sa place dans cet
espace-là. On pourrait être n’importe quoi, son tapis, sa chaise, ses
toilettes, le verre qu’elle tient à la main. On aimerait la faire rire,
lui raconter des histoires, pour l’amuser. Mais moi mon humour,
devant Stéphanie ?!… Vous voulez rire ?! J’en perds jusqu’à l’art de
parler, tant celui de se taire semble de rigueur – encore une
histoire de sacré. Le KINKY donc c’est cet espace infini autour de
Stéphanie. Et je répète : pour y avoir accès, à cette Voie lactée, on
n’a eu qu’à franchir une petite porte, dans un chouette quartier
d’ailleurs, avec pleins de gens sympas qui boivent des bières à la
terrasse des cafés, même quand il fait froid. Mais moi j’attends
qu’il fasse chaud… pour sentir au mieux les pieds de Stéphanie.
Puisqu’elle veut bien que. Ce qui me semble incroyable. La
première fois que je le lui ai demandé, je me demande même si
c’est vraiment moi qui parlais, quelle langue je parlais – elle a dû
comprendre cependant puisqu’elle m’a dit oui. Ça semblait même
naturel pour elle de m’accorder ça, alors que venant d’elle… Bref,
le mieux quand on parle de Stéphanie c’est de s’effacer, de faire
comme disait Flaubert : ne pas parler de soi. Stéphanie semble
tout voir. Paupières naturellement plissées – drôlement,
humoristiquement plissées. Regard pétillant. Stéphanie est pleine
d’humour. Sa personne entière est humour. Intelligence. C’est là
où sa beauté est imparable et vous abat. Intelligence jusqu’au bout
de ses pieds, façonnés comme à la perfection – comme si elle
même avait décidé de la forme que ses orteils, la plante, le cou-du-
pied, ses talons dussent avoir. Possible ? Je ne sais pas. C’est du
mystère tout ça – pas que chez Stéphanie ! Mais chez Stéphanie en
particulier. Un jour il faudrait s’y pencher sur les pieds de
Stéphanie, ni pour les sentir, les lécher, les masser, mais en

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ouvrant tous les Littré, les Robert – eux qui ne mentent jamais –
dans le seul but de les étudier, de les apprendre. Et pour les
peindre, moi je crois qu’il faudrait Delacroix, sa fureur de peindre,
sa folie du geste, son ardeur à exposer le beau en mêlant la forme
à l’âme, sans qu’on sache au final où est la forme, où est l’âme…
Delacroix donc pour décrire cette place qu’occupe dans l’espace
les pieds de Stéphanie. Inutile de dire que je suis hors jeu, moi tout
ce que je puis faire c’est tâcher de m’approcher. Stéphanie la
divine n’est cependant pas éthérée, elle est de la Terre. Les pieds
sur terre. Bienveillante. Mais aussi Surveillante de ce qui l’entoure,
elle fiste, fouette et momifie, comme si c’était chose naturelle du
moment où l’on veut ça, pour soi. Et c’est vrai, vu depuis cet
espace où elle se meut, c’est tout à fait naturel : la cour de la ferme
dans laquelle elle joue, avec le plaisir d’une petite fille courant,
badine à la main, derrière ses cochons. Mais attention, il est
entendu que dans n’importe quelle situation vous impliquant avec
Stéphanie, seule l’un des deux a des raisons d’être inquiet – vous.
Car il y a un réel plaisir dans la ruse et la méchanceté et, oui, dans
le fait même de faire souffrir les Autres. Et Stéphanie ne semble
pas être dépourvue de cette façon de voir le monde. Rusée, aussi.
Une des nombreuses cordes à son arc. Car l’Intelligence dont elle
est pétrie se nourrit aussi aussi de ruse – Homère a fait de la ruse
la qualité majeure de l’Intelligence, son outil. Enfin, c’est ce qui
apparaît sous la paupière délicatement biseautée de Stéphanie.
C’est tout ce que j’en sais… Et qu’aussi sa bouche est fine et
dessinée par l’humour. Comme ses yeux. Même répétant les
mêmes mots, éculés pour beaucoup – on ne dispose pas d’un
lexique inépuisable – et bien chaque mot sorti de sa bouche est
comme nouveau. Il est nouveau. Il vient d’elle, de sa grande beauté
au temps présent. Fines et dessinées à l’antique, ses lèvres, sans
qu’on sache, comme chez la Joconde, si c’est pour rire ou dire : ici,
devant moi, tu es exclusivement devant moi. Rien derrière rien
devant. Et même si ça ne dure qu’un instant, cette injonction grâce
à Stéphanie devient une éternité. On se paie donc en franchissant
la porte du KINKY une tranche d’éternité. C’est pas mal, c’est
énorme… Mais je m’arrête car je vais lasser, forcément parler de
moi, et comme le dit Flaubert…