La dictée de Daniel

1905

Cet après midi de vendredi a été très particulière pour moi.  Elle a été particulière parce que vous savez, on prend vite de mauvaises habitudes : je croyais pouvoir bénéficier de votre part d’un traitement particulier. D’élu. Et non. Vous m’avez mis avec les autres, tous les autres, et je ne voyais que des fesses d’hommes devant moi, et je me voyais comme eux, à quatre pattes et nu, les mains sur la tête, et rien de votre part qui n’eut signalé que vous me tiendriez pour plus important qu’un autre. Au contraire même. J’ai eu des soufflets, un crachat, des remarques blessantes et même un coup de pied. J’ai dû subir la fessée d’une maîtresse mais surtout, des coups sur les couilles, allongé sur le dos et geignant. Je ne cherchais qu’à vous voir, et je commençais à bander quand je vous voyais devant moi, au dessus de moi. J’aurais voulu pouvoir bander tout mon saoul et vous offrir mon sexe – « Je suis à vous ! à vous ! à vous ! » s’écriait-il. Mais non : au lieu de ça, vos remarques qui me remettaient à ma place.

Et puis une chose étonnante : je me suis appliqué à la dictée, car là aussi je voulais me distinguer. Comme à l’école. Et attendre de vous un « Bravo Daniel ». Stupide, n’est-ce pas ?… Ce n’était pas un jeu ! Je voulais vraiment être digne de vous et au final je fais sept fautes. Ça m’a profondément blessé. Je m’en voulais. Avant même d’avoir corrigé ma copie vous m’avez roulé en boule un bout de cette copie dans la bouche, et tandis que vous me laissiez ainsi à quatre pattes, sans plus vous préoccuper de moi, je me suis mis à baver sans que j’y puisse rien. Ce qui était profondément humiliant. C’est le « président » qui, lorsque je dus me mettre sur les cuisse de cette maîtresse pour recevoir ma fessée, a pensé à me retirer la boule de papier pour que je puisse compter les coups. Pas vous. J’étais bel et bien logé à la même enseigne que tout le monde. Je n’avais plus le moindre droit, autres que ceux qu’avaient, ou n’avaient pas, les autres. Mais je répète, ce qui m’a frappé, c’est que ce qui devait être un jeu, ne l’était plus pour moi. Car je n’aspirais qu’à une chose, que vous me distinguiez un peu avant la fin. Que je puisse frotter ma tête à vos jambes, à vos cuisses.

Ce que vous m’avez finalement accordé. Avec une gentillesse folle, après que je vous ai expliqué que je venais d’apprendre le décès de mon ami Maurice, qui a été mon premier initiateur, et qui eût été si content pour moi de me voir aux pieds de la plus belle Maîtresse qui se puisse imaginer. Vous avez été magnifique de bonté et de compréhension.

Et puis je me suis retrouvé à nouveau contre vous à la toute fin, je rêvais contre votre cuisse, et savez vous de quoi je rêvais ?… Que j’étais contre votre cuisse ! C’est Pascal qui a fait éclater la bulle du rêve, il était temps de revenir à la réalité.

Mais je vous remercie. Je vous remercie. Je vous remercie.

Daniel